Dans la fenêtre ouverte
J’attends la pluie, le bruit sourd
contre les carreaux j’attends ses larmes
l'arme contre la peau
le long des murs chauds de la journée
je l’attends, je la supplie
Le tonnerre gronde dans ma tête
dans l’air que nous respirons
déjà la terre est sombre
enfouie dans nos visages
petites bêtes suspendues
elle avance dans la lumière
Je la laisse venir
ça claque
regarde l'eau comme elle file
je devine son manège, sa douceur maligne
j’attends sa lame
traînant les orages
Dans la fenêtre ouverte le vent s'est arrêté
elle marche dans le paysage
quand ton corps s’en va perdu
proche de l'évanouissement
Dans la fenêtre ouverte se cognent les avions perdus
et les bateaux échoués
les combats lourds de pluie
étrange lumière, l'eau immobile
Les nuits dangereuses égrainent la fin du jour
contre la vitre l’insomnie de l’oiseau
prie dans la main, libre
libre de ne plus vivre
libre d'être
La terre est sombre
le ciel au crépuscule
lutin 20-05-2011
Matin
Secouer les draps
les rêves et les larmes
alors que le soleil poursuit son destin
sentir l’air qu’on ne voit pas
la fièvre tombe fenêtres ouvertes
Plume échappée d’un lit défait je te regarde choir
rejoindre la rosée qui habille le printemps
Les seins écrasés au bord du balcon
yeux mi-clos protégés d'un nouveau jour
se pencher vers le bas et regarder
la chute de la nuit
les corps en suspension
lentement se défaire des odeurs
Les heures d'insomnie se balancent
dans un faisceau de lumière
sur le ventre doucement se posent
cheveux défaits
peau usée
la mort se nettoie
et on ne peut la toucher
C’est ainsi que les oiseaux trouvent matière à leurs nids
Lumière d’or venue du ciel
le monde est à deux pas
le fleuve submerge le lit
invisible mer devenue silence
.
lutin - 21-04-2011
L'atelier de lutin
C'est ici que cela se passera http://billieart.canalblog.com/
ce lien est déposé à gauche
Les secrets de lutin doivent rester l'écriture.
(J'ai perdu quelques messages en transportant mes pots de peinture mais ils sont dans mon coeur)
Calcul mental
Quel est le moyen pour s’en sortir, il y a deux manières de dégager une forme par soustraction et par addition, je n’aime pas les mathématiques. Comment retrancher ce qui ne va pas dans la tête. Je suis architecte et j’échafaude dans l’espace les volumes, du vide je fais un plein de ce matériau impalpable rendant possible tous les modelages, les constructions.
Quelques instants s’écoulent dans le silence puis reviennent résonner contre la fenêtre, derrière la porte, les signes des opérations. Tu as respiré dix fois dans la minute écoulée il y a quelques jours, il y a deux jours et quelques heures. Je ne divise plus en heures, en minutes et en secondes. Je sais qu’il reste des tours à l’envers à défalquer aux années empilées. Au vingtième tour et quelques mètres où en serais-je du temps passé. Le temps que je calcule les heures tournent, les minutes chronométrées s’emballent et la mer monte alors que le soleil plonge dans l’eau.
Le sablier entre les doigts écartés je compte la poussière, les graviers et la peau arrachée. J’additionne les vagues toutes les cinq secondes, la distance parcourue, les bulles d’air éclatées au sol, les intervalles entre flux et reflux longs et plats comme un électro épuisé.
La mer fait la plage et le vent la défait.
Le bracelet-montre étanche maintient l’os du poignet, je peux te dire que 36 minutes se sont écoulées de l’absence à la présence, l’absence est la soustraction, le signe de croix l’addition, la main si présente au croisement du signe. S’accroupir c’est se soustraire, de quoi, du regard, où est-ce la déconstruction. D’un geste rapide et habile, elle enlève le compte-tours du bras, arrache le cathéter, retire la seringue, il n’y a plus de temps derrière la porte, dans le couloir. Combien de souffles du rez de chaussée à l’étage, le tensiomètre sur la table est mort, plus de séquences dans les yeux esquintés, le regard s’égare.
Elle fait la moyenne des plus et des moins, à l’oblique regarde l’appareil photos des sourires volés. La vingtième image est un homme sur son vélo griffant le sol à coups de freins, traversant l’air à coups de jambes. Il est vingt heures et les roues s’allongent, le métal devient immense équipé d’un corps de géant. Là ce n’est pas du calcul mental c’est la déformation alors que treize signes se confondent dans l’eau.
A quelle température avons-nous fusionné, je crois qu’il faisait 20° sur la pelouse haute de quatre centimètres à trois mètres de l'eau profonde de 1,50 m, le soleil à la vertical, il était midi et quelques secondes, nous étions cinq à compter nos prouesses, trois corps se sont soustraits, cinq moins trois égal 2, quatre jambes côte à côte, deux paires de mains.
Elle replie le paréo où se décomposent les doigts, l'encre d'un livre à 200 pages écrit à quatre mains, le remet à sa place, dans l’angle de la chambre. Elle vérifie le thermomètre, 33° le corps dans le vide, peut-être plus si elle s’étale par terre la fièvre au ventre.
Elle recule d’un pas à la recherche de l’ombre, la lumière avance de deux pas, elle retire le drap, continue sa marche arrière de quelques mètres et centimètres jusqu’à la pelouse rase près de l'arbre à angle droit. Inlassablement les rayons du soleil la couvrent, deviennent diamètre et cercle qui l’enferme.
39° la peau s’enflamme, deux comprimés pour la tête, pour le sang qui pulse, encore deux comprimés, quatre pastilles sous la langue d’un même médicament, elle regarde lentement autour d’elle. A 180° c’est une tête qui dévisse, c’est une soustraction du corps, c’est revenir à la case départ :
Je n’aime pas les mathématiques, comment retrancher ce qui ne vas pas dans la tête.
Comment soustraire le mystère des sources cachées
l'intimité de la rivière
et les paysages retrouvés.
lutine
Décoction
Demain quand la terre s’entrouvrira
creusée de nos mains
quand les cadrans s’arrêteront de tourner
les forêts asséchées
d’un soleil trop ardent
le bois mort avant d’être brûlé
Demain quand la terre sera un terrain vague
un entonnoir dégoulinant de nos poubelles
les rapaces encore vivants
engrossés de nos erreurs
l’argent de tous bords traqué
la puissance individuelle à son paroxysme
Demain quand les voleurs d’âmes
au regard de chiens aux abois
léchant le cul pour mieux ensorceler
les mains cloués au pilori
je me surprendrai
fétu de paille défenestré
à tordre les inepties
L’horizon est un mur sans altitude
transpercé d’une flèche
pivotant autour de moi comme le foulard autour du cou
demain est ma mémoire en haut d’un gratte-ciel
un ultime vertige jusqu’à vos bras tendus
lutine
Poissons de pierre
Tu mourras de tes insomnies
nos mains tremblent
nos doigts se cherchent
tout est différent
nous avons basculé
petites bêtes au bord du vide
Les poissons de pierre
enfantent sur le trottoir
reste donc un peu tranquille
j'aimerais te regarder encore
trop bleu éteindre la lumière
Nous nous sommes enfermés
dans la fenêtre ouverte
quand je tourne la tête
l'arbre se meurt dans sa maison
et invente des nuages
lutine - 10-05-2011
Roulette russe
Le vent n’a pas fini de discourir
comme s’il me réconciliait avec ma bouche
dans le décor que j’habite.
Je parle aux arbres
aux murs qui mangent ma voix
alors que l’endroit se vide
à la vitesse du cheval au galop
comme les vagues se retirent.
La vie s’arrête brusquement sur une terre labourée
dire, que dire qu’elle ne sache déjà
qu'elle ne transpire déjà
assoiffée de l'avenir
l'eau n'a pas fini de couler.
L’épaisseur de l’air s’est enroulée autour de moi
dans la tête c’est le tocsin
une aspiration vers le ciel
et la main qui désigne la nuit
le voyage accompli en profondeur
amas de promesses et de cendres.
Il s’agit de renouer l’envie
à grands coups d’étincelles
roulette russe, amie ou ennemie
foudre quoi qu'il advienne.
On efface tout de la mer et de la terre
le sable devient lisse, beau et pur
quand la mémoire est là
comme une perle dans son écrin.
Il faut en faire des pas et des pas
jusqu’aux marches à l'angle d’acier
les peaux gommées à l’usure de la trame
ouvrant l'horizon en miroirs successifs
vers l’autre rive.
lutine
Dans l'air
Cette musique me fait peur
c’est la première fois que je l’entends
cette musique de l’océan me fait peur
elle me dit que dehors il y a de belles choses
que je n’entends pas
même les yeux fermés
La cascade est silencieuse
et me ronge
Maman j’ai faim
les mains seules dans l’espace
je dénoue les fils
et je tremble
de peur ou de froid
je tremble
immobile j’attends
j’attends comme le messie
l'invisible flamme
Combien de temps me reste-t-il ?
combien de temps me reste-t-il pour tout dire ?
Cette musique me fait peur
quand elle résonne au fond des cathédrales
à l’orgue si on lève la tête jusqu’au ciel
reposent mes mains sur le bois de l’instrument
repose un pied habillé d’ombre
plus haut des papillons au crépuscule
Cette musique me fait peur
c’est la première fois qu’elle dessine une posture
tête baissée que l’on ne voit pas
à côté des bancs désertés
je dessine les corps par terre
.
.
lutin - 29-04-2011
.
Pages blanches
D’un ciel trop bleu je suis partie
j’ai laissé la voiture sous le soleil
une lettre sur le tableau de bord
dans mes mains un livre
Je me suis évadée
du regard de l’homme
j’ai fermé les yeux
j'ai mis mes mains dans mes poches
juste pour le contact de la peau
serrant les poings j’ai regardé d’autres hommes
ils m'ont pris la main
j’ai senti la glace parcourir mes veines
et ma parole s’enfouir
dans cet espace clos
qu'est ma bouche
J’ai avalé mon corps
le mouvement de mes doigts
la pluie pour éteindre le feu
Ecrire pour ne pas mourir
écrire avec le cœur
coupée du monde
quand les pieds se balancent
Je me suis trompée de folie
la phrase se dérobe
la phrase prend corps
à l’arbre me ligote
sous les paupières closes se dessinent les formes
le dessin de ses yeux
le nez long et droit
le tremblement de la bouche
les cheveux démêlés par le vent
filaments transparents
jusqu'aux épaules
Les phrases se lisent à haute voix
déliez-moi les mains
que je puisse écrire
des pages blanches
jetées au vent
lutine - 26-04-2011