Half Time
C’est étrange comme c’est indispensable d’être seule pour écrire. Comment s’intérioriser pour extérioriser si des parasites s’agitent autour de vous, juste le silence pour compagnon, une musique profonde et douce pour aboutir au recueillement religieux. L’amoureux de l’écriture est un animal sauvage qui a besoin de se replier le temps de l’accouchement d’un texte.
C’est étrange l’eau. La piscine console, absorbe, devient la main absente, l’amante, fourreau dans lequel fuir, l'eau clapote doucement et berce les colères. La violence imprégnée dans les pores de la peau fond au contact du chlore, liquide désinfectant creusant la chair. Notre lit était le lieu de la réconciliation, il devient tombeau quand tu me tournes le dos, alors posée comme en plein ciel j’aspire à un dos crawlé, le soleil renvoie ses reflets au travers des lunettes et me rappelle mon éblouissement quand tu cours face au soleil, les pieds foulant notre long tapis vert, alors à la limite de l’évanouissement je plonge plus profond pour noyer mes pensées, laver les couleurs.
C’est étrange deux amoureux incapables de se dire qu’ils s’aiment, deux êtres encombrés par des sentiments dont ils ne savent que faire. Tu tiens le volant entre tes mains comme tu tiens notre destin. On tente de comprendre pourquoi nous nous sommes choisis toi et moi. Je découvre l’envers des phrases, un labyrinthe de mots agencés pour un autre sens et me voici coupable de ce que je n’ai pas dit, de ce que je n’ai pas fait, et la tension monte, l’orage éclate, des éclairs de haine plein les yeux. J’ai peur que mon cerveau n’explose en un coup de tonnerre violent, électrocuté il ira mourir ailleurs paralysé. Tu tiens mon destin entre tes mains comme tu conduis ta voiture, la marche arrière n’existe pas pour des artères détruites. C’est étrange comme on s’accroche quand tout est mort dans l’espoir d’une résurrection.
C’est étrange la peur de remplir la page blanche, de concrétiser ses pensées en un essaim d’abeilles, de perdre ses illusions sur sa peau brûlante, et comme un papillon les livrer en pâture. C’est étrange j’attends dans ton regard indéfinissable l’absolution des fautes que je n’ai pas commises. C’est étrange de croire que tout peut recommencer.
lutin - 16-06-2007