Je me prépare au voyage
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Ces feuilles à demi-mortes près de mes pieds me frôlent comme des mains, c’est une descente du corps jusqu’aux mots que je tords contre la peau alors que grimpent leurs brisures le long de la jambe. Ces couleurs d’or que je serre dans mes bras je les emporte fragiles, elles crépitent encore à mes oreilles, ainsi circule le frottement des pensées jusque dans les veines. Ces odeurs couvertes de poussière insensibles aux prières je les coiffe d’un bonnet de laine, je nous enferme à double tour, elles disent qu’il fait froid et humide alors que l’écharpe du vent m’habille et me noue le cou, me glace les mains. J’attends que ralentisse le battement de mon cœur, c’est ainsi que l’on hiberne.
La nuit on dit le temps s’arrête alors pourquoi se lève le jour, tombent les années autour des arbres et les étoiles de nos yeux. L’été s’en va comme nos mots projetés vers le ciel, nos espoirs dégoulinent dans les jardins, il pleut les dépouilles des vœux non exhaussés, des amours inachevés, des promesses non tenues, le noir des arbres apporte la vision de la mort, elle nous fouillera jusque dans l’écriture prenant la couleur du temps, l’odeur de la cendre, on ne s’adapte pas on se recroqueville dans sa main.
Alors que les vitrines brillent, alors que l’ombre s’entoure de lettres rouges qui clignotent, alors que la nuit m’habille de sa robe de deuil ma chambre s’orne d’un miroir, je cherche un large pinceau, je tends le bras, quand le bras s’assouplit, quand mon corps se détend, je me prépare au voyage, je peins le ciel avant qu’il ne se décharge, avant que je n’oublie son parfum dans cette partie de la toile.
Je meurs de ne pas savoir oublier la trame tendue, digérer le trou béant que je fends, je suis la mer qui retourne les feuilles dans ses rouleaux, le gémissement des vagues qui s'accrochent à la grève, dans la chambre l'odeur de la terre se mêle à mes pas, à mes gestes se mêlent les voix, combien de temps avant que la peinture ne sèche au ciel ?
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lutin - 07-11-2010
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