Monde intérieur
Je te regarde et tu me fermes un œil
l’autre veille sur toi
je me souviens d'un visage
quand il se penche autour de moi
des yeux de chair immergés
aussi longs que la main
Je sens la courbure des épaules
au-dessous d’un cou de roseau
lame docile et coupante
on l'entend se dissoudre
au fond
comme un grelot
lutine - 16-10-2011
Présente (autre version)
B - acrylique sur toile 55 x 60
Elle peut tout imaginer
la ligne d'horizon
les insectes aux ailes mouillées
prisonniers de la fente
elle gémit de dépendance
en se penchant un peu
elle dit que rien n'est visible
mais entend tout des détails de la rue
la rue se meurt brutalement
Cette ombre occupe mon dos
et aimerait se fondre
Je suis l'obstacle toujours opaque
toujours devant
toujours immobile
elle voulait me quitter
me devancer dans le sommeil
quand elle prit ma place
j'aurais aimé me dépouiller d'elle
dans des heures plus sereines
lutin - 13-10-2011
Présente
Elle peut tout imaginer de la chambre
la ligne d’horizon aussi grise que la lumière du jour
grises les voitures en contrebas
grise l’éclaboussure des flaques d’eau
Les insectes aux ailes mouillées
prisonniers de la fente
elle peut les entendre crisser
alors qu'un papillon se brûle sous l'abat-jour
En se penchant un peu elle ne voit pas
elle dit que rien n’est visible
mais entend tout des détails de la rue
tantôt lisses à la manière d’un tronc élagué
tantôt déchirés
Cette ombre occupe mon dos
alors que je suis l’obstacle toujours opaque
toujours devant
toujours immobile
elle voulait me quitter
me devancer dans le sommeil
La douleur devint lancinante
quand elle prit ma place avec mes propres yeux
j’aurais aimé me dépouiller d’elle
dans des heures plus sereines
lutin - 09-10-2011
Depuis je suis allée au Centre Georges Pompidou voir l'exposition Edvard Munch. J'ai été interpellée par cette peinture que je vous livre. J'ai retrouvé dans cette peinture mon écriture, cette ombre qui occupe mon dos.
Une petite lumière
Une petite lumière filtre des ombres chinoises, une petite lumière se cogne contre la vitre, elle est ronde et plate, une petite lumière rayonne le long de la fente, tremble et tourne en rond. N’es-tu pas aveuglée quand elle mord la peau les dents serrées dans le silence qui déborde.
Une vie tourne derrière toi, minutes vagabondes il y a l’arbre qui s’élance dans le vide, pour rester debout il tend ses bras, serre ses feuilles contre son cœur que la sève veut lui ôter. Ne m’arrachez pas la langue qui court sous la peau et les fourmis qui me sucent, le vert de mes yeux par endroits presque morts.
C’est comme un incendie le ciel quand on lève la tête, c’est comme une veine qui fuit les ombres qui s’allongent, cela sent le pain grillé quand on foule le sol et le fer, cela craque sous la dent la peau endurcie que la saison veut éteindre, tout respire une lente agonie majestueuse avant de s’éteindre.
Il n’y a plus d’orage au moment où les araignées tissent leur toile entre deux arbres, petites bêtes en suspension il y a de la dentelle et des colliers de perles blanches qui flottent au vent et un point noir aux mâchoires crochues.
J’ai vu se former les fils sur le bord du banc mon cerveau assis sur le banc d’à côté, j’ai vu se former la rosée, nous sommes deux autour de la table, je veux dire un monde où l’on a vécu la gorge tranchée souvent dans le même lit.
Une petite lumière clignote pour les fous et bénit les jambes autour de l’arbre deux fois centenaire, une petite lumière dessine à la craie les arbres à abattre, l’herbe à raser dans un carré de silence, rai de lumière assassine. Enlace-moi dit l’arbre les mains ne mentent pas, étrangle-moi autour de ton cou avant qu’on ne me frappe. La vie nous abandonne, il n’y a pas de pont où se jeter et ressusciter, Paris où coule la Seine est un autre lieu rempli de voitures où il ne fait pas bon dormir.
J’ai tourné en rond autour de mon lit fuyant la lumière, la rivière et ses forêts, j’ai tordu les draps source de la lumière, j’ai fermé les yeux source de la fente, j’ai débranché le cerveau source de l’espérance, il était trois heures du matin quand les ciseaux ont coupé la lumière.
lutine - 03-10-2011
Angle de vision
Couchée au ras du sol je sens partir la lumière trop blanche
les contrastes des cheveux le long du corps
les angles morts entre la route et la forêt
ronds et craquants sont aujourd'hui les pas qui se croisent
cerclés d'or
j’ai toujours eu l’impression de rater quelques branches
esquivant maladroitement la perte des couleurs
j’ai craint d’écraser quelques oiseaux entre le blanc et le vide
un bras, une taille, des tranches de vie
et de ne pas voir l’essentiel de l’ombre
sous une lumière plus clémente
couvrir les chemins droits
je l’ imagine dressée sous un faisceau aveuglant
si grande et dangereuse
m’emplir la bouche d’un foulard de soie
est-ce cela le coma quand on perd la vue un certain temps ?
deux silhouettes de papier découpées qui s’effilochent
dans l’objectif mal réglé
j’ai mal aux yeux dans le silence de ces trous noirs
c’est douloureux comme un peu de neige brûle la rétine
je le ressens maintenant que le ciel se rabat sur les épaules
dans son manteau ouaté
la maison extérieure devient plus petite
alors que l’angle de vision s’élargit
lutine - 21-09-2011
Traversée de vent
Que sait-on vraiment du désert au bout du regard
à l’heure où la vitre s’habille d’un visage
Du livre posé au milieu de nulle-part
En face il y a la fenêtre
Et du ciel
des gens venus habiter l’esprit
à la recherche d’une odeur
d’un indice
Trace fugitive
Sous les paupières closes
zest de matière
les yeux n’ont pas fini de creuser la nuit
Où vas-tu ainsi
alors que les chemins invisibles se replient
mémoire pleine de ressac
paupières closes
Il y a le large
les rêves enfouis dans les draps de la mer
sous le ciel dépouillé
Je me présente nue
lutin - 14-09-2011
Une seule porte de sortie
Quand la lumière baisse sous la paupière
Quand les cheveux poussent
Quand la mer crie
On balaye par terre pour effacer
Minuscules coups de ciseau
C’est ainsi que l’on remonte
Les bateaux de papier ne traversent pas les mers
Ni les avions pliés sur la table
Le jour s'en va pour un autre regard
Fragments météorites
Les mots ne font pas avancer
Ta tête dont on visite le fond
Des cheveux tout autour
Tout du long
Est la guerre
lutine