Domino
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Longue route à parcourir il faut démonter le temps et défaire les dominos un à un empilés, les pas doivent effacer les kilomètres de respiration, la terre étanchera la sueur laissée dans le sillon, la bouche doit ravaler tous les mots et les yeux s’éteindre en fixant le ciel. Sur le bord de la route les arbres spectateurs se plient signe d’un mauvais présage. Il faut détruire les chemins d’un geste large sur la table et de rage transporter les lieux dans un autre monde où les jupes étourdissent.
Les mains étaient le peintre dont les doigts avaient barbouillé la peau de tâches de couleurs et modelé le muscle, son crayon avait ébauché un trésor. Il était le fusain qui noircissait le profil pour l’embellir, il était la sanguine qui remplissait le cœur. Le bras était le sculpteur face à la matière. C’était un artiste dans l’ombre qui taillait la chair. Sur le bord de la route il faut voiler l’horizon. Les chevaux ont perdu leur allure altière, ce n’est pas l’orage qui les perturbe, c’est l’odeur de la mort.
Longue vie avec les ombres qui décodent le langage des signes. Si le nuage prend la forme d’un oiseau, si les cinq cygnes sont réunis, si l’oiseau sur la bordure ne prend pas son envol alors l’ombre prendra relief et déclinera sa couleur, alors croisons les doigts derrière le dos en priant le ciel pour figer le tableau. Elle porte au poignet le serpent en métal qui lance le pas en avant. Elle attend la couleur la glaise au bout des doigts. Comme le clown sur le fil elle tangue dans un autre monde sans racine.
Il faut défaire le travail de l’artiste et incruster les ongles dans sa propre chair. La voilà à l’œuvre au creux de ses mains, dans la paume elle creuse le cœur de l’artiste sans aspérité et le baigne de son sang sorti du tube de peinture oublié sur la route et en boit la dernière goutte. Il faut sur la table sectionner ce bras ravageur et remonter les dominos un à un. Il en sortira une œuvre d’art à mettre sous verre, deux coquelicots enracinés.
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Lutin – 31-08-2007
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