prendre le train
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J’ai pris le train
J’ai vu mon reflet dans la vitre
J’ai regardé le carreau
Non je ne cherchais pas la ligne d’horizon
Je regardais en arrière
Assise au fond du siège
Secouée par les aiguillages
Il faisait chaud
Quelquefois un demi-vertige
Quand un train brutalement claque dans l’autre sens
lorsque les vitres se croisent
Que les regards se traversent
Où vont-il ?
Ces regards vides
Ces corps mollement calés contre le métal
La peau écrasée contre la vitre
L’empreinte de sueur laissée en souvenir
L’autre saura-t-il qu’une tête s’est appuyée là
Vite un geste de la main
Non du revers de la manche
La grippe voyage elle aussi
Ainsi que les maladies de peau
Un rayon de soleil
Un trou noir
Black out quelques fractions de secondes
Des rayures d’ombre et de lumière sur le bras
Et le cerveau reprend le fil de son histoire
Le noir du tunnel
J’ai vu mon reflet dans la vitre
Un buste à demi fléchi
La bouche faisant la moue
Attention on me regarde
Je redresse le torse
Je suis donc ce que je vois chez les autres
Une silhouette à l'abandon
Nous avons tous l’air fatigué
Bringuebalés sur cette route de ferraille
Le train rentre en gare
Chacun serre ses paquets entre les mains
Chaque tête se retourne sur son siège
Il ne reste que des fesses anonymes dessinées
Et j’entends leur pensée
"Non je n’ai rien oublié"
Et nous voilà en train de nous refaire une posture
Les corps s’animent
Redeviennent beaux
Attention à la marche
lutine