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Un nouveau regard, les mots qui se détachent
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6 août 2009

Calcul mental

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de Jean Crotti - la mariée dévissée -  Musée d'art moderne

Quel est le moyen pour s’en sortir, il y a deux manières de dégager une forme par soustraction et par addition, je n’aime pas les mathématiques, comment retrancher ce qui ne vas pas dans la tête, jusqu’à l’échafaud pilant les moins du pied. Je suis architecte et j’échafaude dans l’espace les volumes, du vide je fais un plein de ce matériau impalpable en faisant un langage de tous les jours, ôtant la saleté et la bassesse, rendant possible tous les modelages, les constructions.

Quelques instants s’écoulent dans le silence puis reviennent résonner contre la fenêtre, derrière la porte, les signes des opérations. Tu as respiré dix fois dans la minute écoulée il y a quelques jours, il y a deux jours et quelques heures. Je ne divise plus en heures, en minutes et en secondes, je sais qu’il reste des tours à l’envers à défalquer aux années empilées. Au vingtième tour et quelques mètres  où en serais-je du temps passé. Le temps que je calcule les heures tournent, les minutes chronométrées s’emballent et la mer monte alors que le soleil plonge dans l’eau. Le sablier entre les doigts écartés je compte la poussière, les graviers et la peau arrachée. J’additionne les vagues toutes les cinq secondes, la distance parcourue, les bulles d’air écrasées au sol, les intervalles entre flux et reflux, ils sont courts comme un électro épuisé.

Le bracelet-montre étanche maintient l’os du poignet, je peux te dire que 36 minutes se sont écoulées de l’absence à la présence, l’absence est la soustraction, le signe de croix l’addition autour du cou, la main si présente au croisement du signe. S’accroupir c’est se soustraire, de quoi, du regard, où est-ce la déconstruction. D’un geste rapide et habile, elle enlève le compte-tours du bras, arrache le cathéter, retire la seringue, il n’y a plus de temps derrière la porte, dans le couloir. Combien de souffles du rez de chaussée à l’étage, le tensiomètre sur la table est mort, plus de séquences dans les yeux esquintés, son regard s’égare.

Elle fait la moyenne des plus et des moins, à l’oblique lève l’appareil photos des sourires volés, la vingtième image est un homme sur son vélo égratignant le sol à coups de freins, traversant l’air à coups de jambes, il est vingt heures et les roues s’allongent, le métal devient immense et lui est équipé d’un corps de géant, là ce n’est pas du calcul mental c’est la déformation alors que treize canards se confondent dans l’eau.

A quelle température avons-nous fusionné, je crois qu’il faisait 20° en 2004 sur la pelouse haute de quatre centimètres à trois mètres de l'eau profonde de 1,50 m, le soleil à la vertical, il était midi et quelques secondes, nous étions cinq à compter nos prouesses, trois corps se sont soustraits, cinq moins trois égal 2, quatre jambes côte à côte, deux paires de mains. Elle replie le paréo où se décomposent les doigts, l'encre d'un livre à 200 pages écrit à quatre mains, le remet à sa place, dans l’angle de la chambre, elle vérifie le thermomètre, 33° le corps dans le vide, peut-être 37° si elle s’étale par terre la fièvre au ventre.

Elle recule d’un pas à la recherche de l’ombre, la lumière avance de deux pas, elle retire le drap, continue sa marche arrière de quelques mètres et centimètres jusqu’à la pelouse rase, un arbre à angle droit, inlassablement les rayons du soleil la couvrent, deviennent diamètre et cercle qui l’enferme. 39° la peau s’enflamme, deux comprimés pour la tête, pour le sang qui pulse, encore deux comprimés, quatre pastilles d’un même médicament, elle regarde lentement autour d’elle. A 180° c’est une tête qui dévisse, c’est une soustraction du corps, c’est revenir à la case départ :

Je n’aime pas les mathématiques, comment retrancher ce qui ne vas pas dans la tête, jusqu’à l’échafaud pilant les moins du pied.



lutine - 06-08-2009




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Commentaires
L
J'ai aimé écrire ce texte, il m'est venu en contemplant l'eau, et je me suis surprise à compter des canards en vol puis une famille de cygnes.... justement comme tu le dis Corinne pour faire taire les bruits mais le silence était pesant.
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C
comment retrancher? un très beau texte - un texte vivant, plein de bruit et de silence.
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L
Merci à vous, pour continuer dans la même trame, il s'est passé 1h30 avant le point final.
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D
Texte très plaisant, intélligent et amusant.
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L
Oui c'est vrai, mais j'écris moins, une envie de vacances
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