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Un vent glacial et puissant pousse le corps jusqu’aux arbres, malgré moi je suis entraînée par un autre moi-même jusqu’à la chambre d’écho, je me sens constamment observée et pourtant seule. C’est dans le silence qu’il y a le plus de bruit en moi pourtant la nature me criait silence. Cet autre marchait derrière moi ou m’entourait la taille, quelquefois me prenait le cou pour me faire taire ou m’écrasait le visage, la main enfoncée contre les mâchoires, mais quand on perd ses racines, on s’adresse aux arbres, aux ondes qu’ils émettent, de leurs branches on en fait des bras dans l’inconscience.
On ne m’attache pas en pleine mutation à dos de vélo, tête baissée, responsable de mes actes j’éventrerai l’autre moi-même ne serait-ce que pour en être coupable, le vieux moi résigné à l’enfermement. Je voulais une vie pleine comme un œuf et me voilà suspendue à regarder la nuit, lorsque je lance les dés il n’y a que silence et cet autre en écharpe autour du cou m’obligeant à porter le deuil.
C’était comme une sorte de nausée les bourrasques dans la gorge comme la langue qui force une porte close, un corps qui se refuse, dents serrées je tentais de me débarrasser de cet autre. Je n’ai jamais eu peur, maintenant plus qu’avant, j’ai peur du temps qui reste, c’est le fantôme du fleuve qui bat les cartes qui me l'a soufflé entre les messages escortés d’un tourbillon de reflets collés sous les cils. Cette eau si souvent caressée, comment peut-elle être meurtrière, je la croyais mon amie en fait elle est comme l’homme qui frappe quand on ne s’y attend pas.
Ce n’est pas le jour pour me pousser dans l’eau, habillée de vent, rien sur la peau si ce n'est que l'autre moi-même, le mamelon dépassant, oscillant entre la provocation et l'excitation réfrénée, je cherche le froid sec et la claque cinglante pour réchauffer mon sang mais les yeux sont plus gros que la soumission, ils ont le sens de la démesure et les lieux en gestation non accomplie me dévorent. La sève des arbres reste sous terre même si la faim me tenaille et ce ne sont que des gouttes de gel qui tombent des branches jusqu’à mes yeux alors que j'attends le miel. Le cri des mouettes envahit la nudité incongrue d’une forêt sans vie envoûtée, la mienne si blanche, entourée de la robe noire des corbeaux. Je me déplace au ras du sol pour fuir l’autre moi-même semant les mots que j’aimerais récolter aux moissons prochaines, il y a toujours demain quand la nuit se couche.
Les chemins sont jalonnés de pièges, suis-je une folle qui dit la vérité ? Les notes de piano ne sont pas un rêve, méprisant la voix des faussaires et le vent complice. Derrière quel arbre me retrouvera-t-on empaillée à contempler le monde et les miens, parfois j’en viendrais aux mains avec moi-même, le vent est nécessaire au transport du pollen.
lutin - 07-03-2010