Fil rouge
Le front collé au ciel
l'astre comme une source
ombre - lumière
noir et blanc
paupières toujours baissées
aveuglées, détournées
sous les pupilles le même fil rouge
frôle les rails de l'invisible
si près du sol
descend les marches
la main sur le feu de la route
compte les gestes automatiques
J'attends le murmure des vents
la brume sur le lac
celle de septembre à dix heures
puis l'or du soir qui étincelle
ivre de soleil
c'est ainsi que je regarde le manège
des ombres qui s'allongent
l'absence sur son lit de feuilles
lèvres closes, légèrement spongieuses
plaie promise à l'oubli
ce grand miroir qui ne change pas
immuable et secret
enfile ses vieux habits de cendre
lutine
De peur que les fantômes ne la rattrapent
Elle aimait ces marches de pierre ornées de haies soigneusement taillées, elle aimait les paysages gris et noir aux décors verticaux, l'absence de soleil, la brume qui descendait jusqu'à la route effaçant la géométrie de l'espace, elle l'accompagnait de la main, s'y appuyant quelquefois, elle suivait le muret, l'ardoise des toits, les voitures en contrebas. Ses yeux guettaient le vent et ses détours jusqu'au clocher perdu. De terrasse en terrasse elle se déplaçait comme l'oiseau au sol émiettant quelques cailloux du pied, fuyant le promeneur. Elle aimait se suspendre au froid de l'hiver, griffer les murs pour en sortir la lumière blême de la rue, les nuages bourdonnant à l'intérieur de sa tête. Elle était une chanson dans quelques bulles d'air, toujours rêveuse elle se laissait porter de peur que les fantômes ne la rattrapent. Elle aimait la transparence des flaques d'eau ne se lassant pas de regarder les façades à l'aplomb du ciel tout en écrivant le monde derrière sa porte. C'était juste après la grande maison entre les statues, là où la pierre forme un creux dans lequel se blottir, qu'elle attendait le printemps, une légère auréole bleue serrait ses chevilles.
lutine - 05-03-2013