Entre l'œil et l'eau
La mer se faisait sourde le long de la falaise
endroit lumineux et fermé
c'était le bout du monde
je reprenais mon souffle
installée entre deux chaises
alors que le soleil se lève à l'est
mes paupières roulaient dans leurs propres vagues
c'était le calme d'une solitude bienheureuse
avant que l'homme ne vienne déposer son ombre.
Je l'ai vue et reconnue cette existence trouble
en hauteur, en largeur, elle est encore un tableau
sur fond de toile tendue tout près des parasols fermés
notre espace était ce parking inanimé
c'était un mouvement presque agressif ce vêtement rouge
diffus puis présent.
Je me souviens de ta démarche étrange
du contour de ta silhouette pas encore intime
on ne pénètre pas ainsi un corps
ni une voix que la mer transporte
ni l'approche amidonnée
c'est tellement codifié les premiers mots
la façon d'être avant la première photo
on laisse filer la boîte à musique
les vieilles mouettes et leurs poèmes stridents
on laisse tomber la rouille et l'enlisement
tous les circuits du corps
jusqu'au sang neuf qui se dégage
Ce sont quelques paroles, presque toujours les mêmes
un sourire de bienvenue
une main se tend offrant la chaise libre
sur des yeux qui s'entrouvrent
toute une complicité hydraulique s'installe
Je me souviens de ton profil
du son de ta voix
brassant la mer dans une translation magique
on entendait à peine les roulements intermittents
si peu l'aboiement du chien
et la dame noire toujours présente
vers le soleil levant on ne la voyait presque pas
Les algues trouaient mes yeux
ce n'était pas un accident notre rencontre
entre l'œil et l'eau
lutine - 21-02-2012