Huguette Bertrand
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Pour ce que tu es, pour ce que tu écris, pour ce que tu fais, pour ce que tu partages, pour la distance maîtrisée et les heures décalées, pour l'amour que nous avons de Rodin et de Camille, pour tout et plus
Le visage se lit comme une nouvelle, le dos comme un poème chiffré
oeuvre de Francis Bacon
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L'homme de dos repose du regard. Aux yeux qui scrutent, aux visages qui appellent, aux prunelles qui interrogent, dans la lumière des musées ou dans l'obscurité des théâtres, succède le silence énigmatique du dos.
Aux regards se substitue une autre force d'attraction et, en dépit de l'isolement de l'acteur et du spectateur, le commerce de l'art subsiste. Seules les conditions de l'échange sont modifiées.
Le visage se lit comme une nouvelle, le dos comme un poème chiffré.
L'homme de dos se repose de la vie. Homme du crépuscule, pas encore de la nuit.
Georges Banu
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Tous les hommes sont de dos. Quel Orphée parmi eux se retournera sans te détruire, quel Orphée dont le visage te rendra la vie ?
Camille Laurens
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oeuvre de Magritte - La reproduction interdite
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Dédoublement
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Poser c’est aussi écrire
Sur le trottoir au goût macadam
un geste à la craie
comme peindre
Le réverbère à hauteur du balcon
fatigué de trop de nuits
Un bras balancier
il n’y a plus d’heure
Sur le piano les doigts longs
absents
par intermittence
En toile de fond
l’harmonie des couleurs étalées
comme l'eau sous le phare
Un équilibre inachevé
en point de fuite
quelques traits blancs
et le vide
Il pleut sur la peau
à laver la bouche
le coeur qui se serre
Sans cesser de regarder l’ombre
à travers un mur de verre
j’étais là à l’intérieur de toi
Ton visage muet et ruisselant
dans un tableau m’appelait à l’aide
sans pouvoir le toucher
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lutin
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L'abîme
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Il en tomba combien dans cet abîme
Et je disparaîtrai un jour dans le silence
De ce monde, c’est certain
Il en tomba combien dans cet abîme
Le vert de mes yeux, l’éclat de mes cheveux
S’éteindront au fil du temps
Il en tomba combien dans cet abîme
Dans ma chute se figeront les souvenirs
De ma vie resteront les images
De ce monde, c’est certain
La vie renaîtra
Et tout sera comme si je n’avais pas existé
Dans ce monde, c’est certain
J’aimerais laisser mon empreinte
Le vert de mes yeux, le son de ma voix
Vous qui m’aimez
Ecoutez-moi !
Il faut m’aimer encore du fait que je mourrai
Entendez mes cris du silence !
L’écho de ma chute où l’abîme m’entraîne
lutin
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B (les yeux grands ouverts)
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Langue effacée
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Je ne pense pas
pas aimantés par le fleuve
je n’attends pas
et la langue s’affaisse dans les eaux du passé
les chiens et les nuages ne changeront rien
ni la musique du Titanic engloutie
accoudée je regarde la surface se défaire
le vent du sud égraine lentement ses degrés
devant les marelles de glace on joue à cloche-pied
Aujourd’hui je parle aux flocons de neige disparus
à la glace éphémère sous le soleil
au froid qui fait son manteau sur mes épaules
il n’y a plus de liaison entre les chemins
jusqu’aux lignes de la main effacées de ses voyages
pas de gare ni pont levis si ce n’est la voie normale
nous dansions sur place à chaque hémisphère
espérant un lit de plumes sur lequel marcher
Je n’entends pas le silence
j’ai fermé les yeux à des milliers de kilomètres
j’écoute au-delà de la nuit
la faible voix de la terre
comme peut le faire un rêve
les trains et les rails continueront leur fuite
les aéroports feront croire au septième ciel
jusqu’aux bras séparés agitant des feux de détresse
sous les néons blafards je regarde la vie se transformer
les micros métalliques annoncent qu’il est trop tard
lutin – 17-01-2010
Langue errante
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Les chemins se sont rapprochés
partout la terre éternellement perdue
langue errante
blanche comme un mille-feuille
j’irai écraser la matière
où le soleil enfoncera ma main
Entre les arbres de glace
voici le chant du ventre
où l’on jette les mots
nos oripeaux dans l’herbe retournée
dans le blanc de tes yeux
j’écoute le glissement des strates
Une femme danse son rêve
Serre les poings au fond de sa propre angoisse
Dans un paradis blanc
s’est effacée du monde des vivants
devant l’autel disparu
où ils baignaient leurs mains
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lutin - 12 - 01 - 2010
Un écho de Renaud
Jolies notes de silence Les flocons naissent et dansent Sur le duvet de colombe Que tisse leur neige qui tombe
Ces cristaux qui tourbillonnent
D'arbres en arbres papillonnent
Et leur tressent des colliers
de petites perles givrées
Dans cette galerie de glace
Un léger brouillard enlace
Cygnes et canards qui dorment
Fantasmagoriques formes
Oh belle nature en berne
Fasses que mon coeur hiberne
Dans ton lit de satin blanc
Et se réveille au printemps
Renaud le 13 janvier 2010
Si Versailles m'était conté
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Une poésie de Viviane déposée sous mon texte "Assis côte à côte"
La neige ronde au bord
a écrit
comme on joue
en mineur sur la page
le froid s'est installé aux marches de l'étage
Il fait nuit bientôt
le corps pourrait se détester
d'être si gourd et de ses mains bleutées
quand l'oiseau de ce bleu
fait un vol
une lueur
Mais je n'y parviens pas
la haine est prise dans le froid
Présence ou Cerveau/Cerveau ou Présence
B - pastel sec - 09-01-2010
On fouille Madame aujourd'hui ! Demandez, c'est plus simple, en cliquant sur "contactez l'auteur", puisqu'il en est ainsi, je remonte mon coup de crayon, la lumière c'est tellement mieux qu'une vie souterraine.
Il parait que quelque part je me suis exprimée, comme si je m'étais dessinée (ce ne sont pas mes mots), une sorte de mixte entre fantasme et réalité.
lutin/lutine/B
Assis côte à côte
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La présence est silencieuse. Derrière la fenêtre une boule orange flotte comme une planète morte. Elle veille la nuit et son insomnie. Elle roule et se pose sur la table, éclaircit les tapis, s’infiltre sous les yeux et remplit la tête. Le corps s’apaise quand elle est là. Il est minuit dix derrière le mur de verre, elle tourne et se rapproche, le nez se colle au carreau, elle ouvre la bouche, la buée donne vie à l’intérieur et chaleur au corps. Ce soir elle glisse le long du balcon givré. Au bout de l’attente et du froid elle voudrait entrer, frappe et s’agite. Il faut arrêter d’écrire contre la vitre, cela ne sert à rien. La lumière clignote, la présence grelotte et la tête à l’intérieur se relève. Elle donnerait n’importe quoi pour un peu d’amour, beaucoup d’amour, un peu de peau, beaucoup de peau et des bras, des bras comme des lassos tournant en rond autour du corps et des doigts tout au bout.
Le cerveau devenu fou commande la main, tape sur le clavier alors que les pieds mal assurés s'agitent sous la chaise, les doigts effacent et recommencent. C’est un ballet autour d’une sphère. Le vent concentre les gestes, autour de lui un silence étrange, peut-être le murmure des survivants et la même musique dans l’air. C’est venu tout doucement, à entretenir la folie le corps est un champ de bataille comme le lit défait, les serviettes de bains empilées dans la baignoire. Il n’y a plus de corps quand le peigne passe dans les cheveux, quand il sourit, quand il répond au téléphone, quand le matin il se vide de la nourriture de la veille, seul le cerveau commande l’automate des mots. Les flacons encore ouverts racontent la présence de la veille. Il voudrait dire et ne peut dire, la parole est partie sur le trottoir d’à côté.
Des chaînes en guise de bras les maintiennent à hauteur du regard, assis côte à côte.
lutin - 09-01-2010