Tu es seule sur un promontoire à l’abri de la ville
tu n’entends rien derrière le double vitrage bleuté
c’est une cathédrale habitée de vies sorties de l’esprit
les spots au dessus de ta tête éclairent le ciel
se décuplent en appel dans les fenêtres éteintes
on doit te voir, tu es le centre au-dessus de l’affiche
la terre est en bas trempée de pluie
les pas fuient sous les parapluies aux baleines fragiles
et les arbres humbles se couchent
les cheveux de ces dames s’envolent
les parapluies se retournent
tu es au centre du manège à l’arrêt
comme l’ange gardien juché sur son nuage de fortune
quand frappe la tempête
le détecteur intuitif se focalise
la porte s’ouvre
le vent s’engouffre
les pas aussi, les voix montent de plus en plus amples
deux femmes te parlent
assise tu sursautes, si seule et si bien
tu penses à un hall de gare
il n’y a pas de pendule
ni de train, ni de joueur d’accordéon
ni de micro annonçant les grèves
tu imagines les passagers bloqués entre hanche et épaule
tu sens l’odeur des cheveux mouillés et des manteaux de laine
te remonte l’odeur de la sueur incrustée dans les métros clos
tu as perdu pied dans le silence
si loin des routes gorgées de voitures aux phares allumés
suspendue comme un drapeau entre terre et ciel
les voix crispent tes pensées
déconcentrent ton admiration
des mots futiles de politesse t’obligent à lever les yeux
à sourire aussi
l’écho d’une voix forte te perturbe encore plus
guerrier des lieux, le pardessus trempé, tonitruant il passe la porte
comme d’habitude volubile à l’excès
sa passion est là face aux tableaux
et ses cordes vocales montent en extase jamais assouvie
timides d’autres têtes baissées s’éclipsent
tu rêves d’applaudissements
tu tends l’oreille à l’écoute des commentaires chuchotés
une galerie d’art c’est comme une église on y parle tout bas
les hommes ôtent leur chapeau
on est debout en prière, le doigt pointé
les lèvres fermées n’osant pas s’ouvrir
resteront en mémoire les mots du connaisseur dont je baise la main
il y a une forêt, un puits de lumière sur le visage
le mort en est vivant
une tempête de neige s’est abattue sur la ville
c’est un autre signe
la jonction entre le ciel et l’artiste
une flèche
un nom aussi au numéro 121 écrit de noir
lutin - 09-02-2009
Merci à notre Président de donner aux artistes le moyen de s'exprimer dans un lieu si beau
sculpture : Danièle Dekeyser