la nuit
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Elle marche face à nous bousculant les heures un peu plus chaque jour. Dans le couloir du ciel à la cime des arbres elle se fait plus pressante arquant inéluctablement sa couleur opaque, elle ombre la racine qui se cache sous la feuille d’automne, son voile flottant entre ciel et terre devient foulard puis manteau dans sa chute sur les épaules, elle enveloppe comme un drap sur son passage ce qui est vertical, les plus grands seront touchés les premiers, petit bout de femme il me reste un peu de temps avant de sentir son piège se refermer sur moi, progressivement elle m’enroulera dans sa peau m’habillant d’un fourreau de deuil, le chien sur la route subira le même sort ainsi que l’insecte rampant, la nuit balaye tout quand elle s’allonge nous faisant disparaître d’un claquement de doigt ensorceleur, la goutte de pluie poreuse devient noire comme par magie, seule la lumière artificielle résistera à sa force. Inutile de se cacher elle voit dans les angles, inutile de se vêtir de noir, elle superpose les couleurs.
Je suis tout petit entre chien et loup dit l’homme dans sa course à travers l’ombre et la lumière, il est 20 heures j’ai perdu mes jambes en chemin dit-il, je reviendrai les chercher demain, les mots ont une autre résonnance, dans l’allée un corps flottant vole vers la sortie par habitude. Au-delà de la ligne droite il y a des points qui s’agitent, d’autres spectres éphémères prisonniers des heures qui s’égrainent, puis un puits de lumière perce l'obscurité, silhouette fantôme de la ville agitée des retardataires au volant de leur voiture.
La nuit devient cocon quand c’est l’heure de dormir, ralentissant la voix elle rend le corps plus docile, vers l'autre elle porte les mots enrobés d’un papier de soie comme le bonbon acidulé parfumé à la fraise dégageant un parfum d’amour allant du palais au ventre. Elle est la couleur de l’élégance où les corps se baignent nus entre les draps parés de la lumière jaune des réverbères de la rue, sa maison sans porte ni fenêtre est l’amie des yeux qui se cherchent dans le noir. On s’en relève le matin repus quand elle a pris son envol dégageant les corps de sa ligne horizontale.
lutin - 29-09-2008
Tunnel
Tous les espoirs
ce soir éteints
font pleurer les sourires
fragile fil de soie
à l’intérieur se noie
on n’est pas seul dans la peau
s’ouvre le ventre
rempli d’absences
se meurt aux portes de la nuit
le trait du visage
éparpillé dans les mots
déroulant l’infini
tendre folie
de crainte et de joie
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lutin - 22-09-2008
Jeu de dames
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Elle traverse le miroir
les doigts en éventail
des ongles de sang
le bras tendu attend
le noir ou le blanc
Un damier où l'ombre est prisonnière
en diagonale le pas s’enfonce
dans des cases de fer
des larmes mouillent une robe noire
un pion dans la boue
depuis si longtemps macère
la volonté d’en sortir pour aller à dame
A la lisière du noir et du blanc
des ongles acérés
la main blanche du futur
à califourchon sur des taches de couleur
les cuisses enserrent le bien et le mal
la volonté d’en sortir pour aller à dame
Elle tend le bras dans le miroir
une main dans une case de marbre
le bras tendu attend
une mante religieuse boit le sang
distille une autre couleur
un cercle blanc au cœur de la peau
Une rose de fer
pétales noirs abandonnés sur le damier
en diagonale un rond blanc
corolle nue cherche à naître
aller à dame pour deux corps superposés
lutin
Au nom de....
Ce matin 8 H on démonte sous mes fenêtres un énorme sapin splendide de 27 ans d'âge, des voisins assassins ont demandé la guillotine au nom de la lumière. Magnifique paravent naturel nous voici sur la rue face aux éclaboussures des voitures. Ce matin je hais le monde.
Au nom de la lumière on a tué la maison aux araignées.
Au nom de la lumière nos tourterelles sont SDF, ce soir elles dormiront sur le toit en plein vent.
Au nom de la propreté on y plantera des clous pour qu'elles n'y posent pas leurs pattes jusqu'à ce que mort s'en suive.
Et la pie voleuse où va-t-elle se cacher ?
Au nom de l'injustice je voudrais conduire les commanditaires à l'échafaud.
Au salon Saez dit "nous courons tous ensemble vers la fin qui nous lie... que des troupeaux vers l'abattoir.... je t'en prie fini moi... "
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Ce matin je hais le monde
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A lire sur Editions Léo Scheer
http://www.leoscheer.com/spip.php?page=manuscrit-lutin-jai-oublie-le-sens
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Qu'importe
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Sur l’épaule de l’autre
Posé par habitude
Le vide a fait son nid
La tête passe dans un trou béant
Epaule habillée de bleu
Le tissu est un rempart
Des défenses d’animal sur l’être
Laissant l’autre brûlant
Quand j’étais enfant
Au ventre de ma mère
Des mains serraient mon cou
C’est tuant la différence
Dans le fleuve
On essaie de marcher sur l’eau
A la mer où que l’on aille
Qu’importe j’emmène
lutin - 03-09-2008