Exorcisme
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..........Il y a les mots que l'on ne dit pas mais qui surgissent comme l'évidence, des silences qui hurlent, une vague d'encre jetée au visage défigurant l’amour quand nous étions nous-mêmes, un ras de marée couvait sous une mer d'huile qui cachait l'inévitable ramenant sur la plage des cadavres cachés au fond des placards et des vivants à moitié fantômes envahisseurs dans leur semi présence. Dans la tête un clocher sonne les heures, en écho une voix d’ici-bas dans le sac promenée en bateau.
Ce soir j’ai marché tard à la lisière de l’eau la tête dans le miroir, les pieds râpant le ciment, quelqu’un siffle très fort, tout est calme aux alentours. Il y a le masque méconnaissable frisant la démence, l’eau claire reflétant les pensées infusées accrochées aux algues, drôle de tête se disent les poissons moqueurs au-dessous soufflant quelques bulles, l'air est pesant au-dessus, quelqu’un crie à l’intérieur, vous êtes dans mon monde sans oxygène.
Sans repère embrassant le vide j’ai senti le froid du vent soulever le cheveu décollant la racine libérant le mâle, trébuchant j’ai vu plier mon corps ramassant la poussière, j’ai vu mes mains fouiller les poubelles, mes propres bras enserrant ma tête pour en faire un toit, les doigts écrasant les paupières pour fermer les volets, les ongles crevant l’œil pour ne plus jamais voir, même pas le brouillard.
Il faut crier et pourquoi ne pas chanter, ou danser révolté dans le fumier, ça brûle follement quand on bascule le tympan éclaté, c’est la peur qui rentre dans le corps, l’esprit qui sort, un dédoublement de soi et pourquoi je pense à ce film d’horreur, l’exorciste, une tête à 180° fait le tour du passé crevé sur le pavé.
Les démons en forme de mensonges jaillissent dans le noir visant la tête, j’ai peur des mensonges, des balles perdues, je rampe sous les portes craquant l’allumette pour ne pas me cogner, je fais silence en moi pour ne pas déranger les voisins, je ne suis là pour personne derrière les rideaux, je dors la porte ouverte, les flashs sont cruels sous les fenêtres, coquelicot cueilli dans la campagne, écrasé dans la main, je suis tombée empoisonnée.
J'aime les anges qui marchent avec moi emportant comme un drapeau noir la dernière étreinte et le désir gonflant le bas ventre sous l’étoffe. Allongée comme l’animal attaché à son arbre, l’entaille au poignet, mes mains comme deux nœuds de vipère frappent en l’air au centre de la terre la regardant sous ses jupes. Je vais mordre la rage dans la mâchoire, le mouchoir entre les dents, je vais pousser mon premier cri primal, je ne suis pas folle, on a volé mon sang, les mains malhabiles cherchent encore dans un panier de linge sale un ultime coït pour lui tordre le cou.
lutin – 20–08-2008