Ombre
Un homme sur le périphérique court en boucle, un écureuil dans une cage, il pédale à toute vitesse de ses pattes folles, et sa vie est un sur place. Il court les phares en pleine face, se refusant toutes les portes de sortie, il court après son ombre. Il court en boucle pour la mille et unième fois, un enfer. A bout de souffle quelquefois il s’arrête, toujours au même endroit, la peur de l’inconnu. Son ombre est son ennemie. Comme un aimant elle guide ses pas vers le passé lui refusant un futur. Aura-t-il un jour le courage de se planquer, attendre cette ombre en silence, lui tordre le cou ? Aura-t-il le courage de l’empoigner, la regarder en face ? Aura-t-il le courage de l’agresser ? L’envie au fond de lui sortira-t-elle, lui faire avaler à reculons et à contre sens dans le flot des phares tous les kilomètres inutiles. Aura-t-il le courage de lui flanquer une bonne trempe ? Comment ne pas se rebeller contre une ombre qui guide ses pas.
Des draps de satin son ombre les lui offre mais avec si peu de largesse. Une boucle, toujours les mêmes draps, des roses, des verts, l’homme n’a pas le choix de la couleur, l’homme n’a pas le choix des bras, toujours les mêmes ceux du passé, l’ombre lui refuse un futur. Un homme comme un écureuil en cage. Sa vie est un sur place. Son ombre est son ennemie. Aura-t-il le courage au fond de son lit, un drap arme au poing, un nœud coulissant, broyer son cou ? Aura-t-il le courage de la jeter aux chiens ou pire la jeter aux oiseaux ? Une ombre déchiquetée. L’ombre son maître, le geôlier des portes, le geôlier de son cœur, le dictateur.
Un homme court après son ombre, sans crier gare elle a pris une porte de sortie sur ce périphérique d’une vie, des voitures à folle allure, des phares en plein cœur l’homme se désintègre, son ombre sur le pont ricane. Et maintenant une ombre erre sur le périphérique à la recherche de sa propre ombre.
lutin - 05-12-2005
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